Un article parti dans notre numéro du 15 Mars sous ce titre [Le Santorium de Popkvil] et sous la signature d’un de nos distingués collaborateurs [Roland Meyer], pousse quelque peu au noir le récit de la construction de la route du mont Bockor (Popokvil), et semble reprocher à l’administration du Cambodge une trop grande hâte à réaliser ce projet, hâte qui aurait été cause et de frais excessifs dans la construction et d’une mortalité excessive au cours des travaux.
Nous venons précisément de rencontrer à Huê l’un des ingénieurs qui avaient été chargés de la construction, qui nous a donné d’intéressantes indications à ce sujet.
S’il y a eu des décès c’est un des risques inhérents à ces sortes de travaux,
La dépense n’aurait pas été excessive vu les difficultés et en tout cas inférieure à celle qu’a entraînée la construction de certaines routes de montagne, entreprises sans plan d’ensemble et par petits paquets, comme la route du Tamdao par exemple; d’autre part s’il y a eu des décès c’est un des risques inhérents à ces sortes de travaux, témoins le chemin de fer du Yunnan et, plus récemment, celui du Langbiang. Ces risques: on peut les réduire mais ils ne sauraient faire abandonner des travaux estimes nécessaires ; sans quoi l’Europe, fût restée en forêts et marécages.
Son intérimaire, M. Maspero, par pur esprit de contradiction, avait arrêté tous travaux
Quant à la hâte à construire cette route c’est précisément le grand mérite de M. le Résident Supérieur Baudoin d’avoir voulu la réaliser vite. Dans un pays où les administrateurs changent souvent c’est s’exposer à ne rien réaliser que de ne pas réaliser rapidement et M. Baudoin en avait fait, au Bockor même la cruelle expérience puisque son intérimaire, M. Maspero, par pur esprit de contradiction, avait arrêté tous travaux et cherché à compromettre à tout jamais la réalisation définitive du projet cher à notre collaborateur,
Or au sanatorium du Bockor, une création beaucoup plus importante, celle, du port de Réam, était liée dans l’esprit tant de M. Baudoin que de M. Maspero, le premier pour la réaliser le second pour la contrecarrer. Eh bien il n’en déplaise à M. Maspéro le Cambodge est maintenant doté d’un bon port sur le Golfe de Siam; et ce port aura une importance considérable sur le développement économique! de toute une partie du royaume.
D’ailleurs c’est une règle générale que construire vite, même à grands frais est plus avantageux que construire lentement et par petits paquets. L’avantage est double. Au point de vue politique une grosse dépense une fois engagée lie le successeur et c’est le motif qui avait poussé M. Roume à engager d’énormes dépenses au Langbiang et la seule critique qu’on pourrait faire aux T.P. [travaux publics] c’est de n’en avoir le pas donné à l’administration pour son argent ; mais M. Roume savait la lamentable histoire des tergiversations au sujet de Dalat et il voulait y mettre fin par le geste de Brennus jetant sa lourde épée dans la balance.
En ce qui concerne le Bockor et le port de Réam, il eût suffi que M. Maspero ou un autre eût été appelé à succéder à M. Baudoin avant l’achèvement des travaux pour que tout fût abandonné et la réalisation à jamais compromise.
Au point de vue technique, rien de plus désastreux qu’un travail qui traîne en longueur, avec plusieurs changements de personnel et de direction.
Le Palace est dû surtout à la mégalomanie de la Direction du Tourisme,
Quant à l’Hôtel, nous croyons que le Palace est dû surtout à la mégalomanie de la Direction du Tourisme, et que les projets du Protectorat du Cambodge comportaient plus de simplicité. Ce qui nous intéresse d’ailleurs surtout là dedans ce n’est pas tant le côté villégiature et tourisme et nous soupçonnons que ce n’étaient là pour M. le Résident Supérieur Baudoin que des prétextes. Prétextes nécessaires, avec une opinion publique qui s’intéresse surtout à cela, car le public est badaud, mais prétextes à des travaux devant avoir indirectement une énorme influence sur le développement, du pays, port de Réam et mise en valeur de toute, une région extrêmement intéressante.
Or pour triompher de l’inertie des uns et de l’indifférence ou de l’hostilité des autres, un homme de réalisation doit parfois employer des moyens énergiques sans lesquels les plus beaux projets des hommes d’imagination risquent bien de rester dans le royaume des idées, dans les nuages, eut dit Aristophane. Et de ce que nous disons, M. Merlin vient de nous donner une nouvelle et éclatante démonstration, en employant le même procédé pour la mise en train de la construction du chemin de Tân-Ap à Thakhek. Un crédit de 600.000 $, ouvert pour la construction du chemin de service, est immédiatement mis en œuvre sous la direction technique de l’habile ingénieur Viala, et la direction administrative de l’actif résident de Hatinh, des travailleurs sont recrutés par les méthodes conformes aux mœurs et coutumes du pays, payés cher, bien logés, bien nourris et moins de deux mois après des résultats sont déjà là.
On aura obtenu avec 600.000 $ en six mois ce qu’on aurait peut-être obtenu avec 300.000 en trois ans, mais on aura avancé de deux ans et demi le débloquement du Laos; surtout on aura rendu bien difficile à un successeur un changement de politique.
Enfin si notre collaborateur avait l’esprit moins littéraire et plus mécanicien, nous lui citerions l’exemple des foyers de chaudières à vapeur, qui sont d’autant plus économiques qu’ils dévorent plus vite et plus complètement le charbon, tandis qu’une chaudière menée à petit feu n’a qu’un rendement pitoyable.
—CUCHEROUSSET