[…] L’ensemble du massif et du plateau penche insensiblement vers le Nord et présente au versant Sud-Ouest ses plus hautes crêtes qui atteignent 1.100 mètres d’altitude en une falaise vertigineuse dominant la mer.
C’est sur ce plateau culminant que s’élèvera le sanatorium de Popokvil et peut-être un jour la capitale d’été du royaume du Cambodge.
[…] Nous terminerons cette description en rappelant la beauté sauvage que donne à ces montagnes leur parure de sombres forets. Toute cette côte du Golfe de Siam possède un ciel, une lumière, une végétation différents de ceux des versants de la mer dé Chine et se rattache aux régions de la Malaisie.
III. Premières explorations du massif en 1917
Toute l’année 1917 et aussi l’année 1918 auront été consacrées à l’exploration de la chaîne, à l’investigation de ses richesses naturelles, à l’observation minutieuse de ses caractéristiques et de son climat.
La première mission d’exploration de la Chaîne de l’Éléphant a été accomplie en Avril 1917 par MM. Bornet, Chef du Service du Cadastre et Gourgand. Chef du Service Forestier au Cambodge.
Un poste forestier permanent est installé aux “Cascades”
Le 27 Avril, ces deux fonctionnaires quittent Kampot en sampan, remontent la rivière jusqu’aux rapides de Kamchay. Le 28 Avril au matin, guidés par des indigènes, ils s’engagent dans un sentier, remontent le cours d’un torrent et campent au soir à 636 mètres d’altitude dans une grotte d’’où se sont enfuis à leur approche plusieurs Annamites. […]
A la suite de cette exploration, un poste forestier permanent installé dès le mois de juin 1917 aux «Cascades» de Popokvil fut confié à M. Vincent, garde forestier, dont les observations et les études sur le climat et les essais de culture et l’élevage ont donné depuis un an les résultats les plus concluants.
Cependant, parallèlement à ces études sédentaires, il importait de pousser la reconnaissance du plateau et les recherches des emplacements les plus favorables à l’établissement d’un sanatorium.
M. Jubin, géomètre du Cadastre
C’est dans ce but que, dès le mois de juin 1917 M. Jubin, géomètre du Cadastre, est chargé d’une mission permanente, coupée de rares interruptions pour la mise au point de ses rapports et travaux cartographiques,
Ce fonctionnaire se consacre dès lors avec enthousiasme à sa mission de reconnaissance et lève peu à peu le voile de mystère qui couvrait la montagne de l’Éléphant.
Toutes ses constatations effectuées depuis un an fait ressortir la douceur de vivre que l’on éprouve sous le climat de ces plateaux.
Entre temps, MM. Dufossé, Médecin de l’Assistance, et Guillerme, Surveillant des Travaux Publics, chargé de la construction de la route d’accès au plateau, exécutent du 3 au 14 septembre une intéressante reconnaissance du versant maritime, en abordant la chaîne par le Nord-ouest, du côté de Tuk-Laak et de la presqu’île de Veal-Renh. Après une pénible ascension, ils atteignent le plateau entre 900 et 1000 mètres d’altitude, longent la crête qui domine magnifiquement la mer et se dirigent vers le Sud pour essayer d’accorder leur itinéraire à celui de M. Jubin et gagner la station Popokvil distante de 30 kilomètres.
Des légendes indigènes relatives aux lacs qui existaient sur ces sommets
Ils découvrent une haute cascade tombant vers la plaine maritime, constatent l’abondance du gibier et la richesse de la flore disparate de ce versant ; bois de pins, fusains, châtaigniers, chênes, cannelle, arbres à térébenthine, palmiers divers, fougères arborescentes,mousses, népenteses et splendides variétés d’orchidées ils reconnaissent dans l’intérieur du plateau des cuvettes de forêts noyées qui semblent justifier les légendes indigènes relatives aux lacs qui existaient sur ces sommets; Le mauvais temps et le manque de vivres mettaient fin à cette exploration le 14 septembre [1917].
IV. Voies de pénétration & d’accès au plateau
Le plateau de l’Éléphant étant appelé à devenir à bref délai le, sanatorium du Cambodge, du Siam et de la Cochinchine, il importe de le relier au plus tôt à ces divers pays par des moyens de communication rapides et surtout économiques, pour le rendre accessible aux familles des petits fonctionnaires et colons comme à la clientèle riche des touristes.
Kampot, le «Chamonix» du Cambodge.
Là coquette ville de Kampot, au pied de la montagne, peut être considérée comme le point de ralliement des voyageurs de tous les pays limitrophes à destination de Popokvil. C’est le «Chamonix» du Cambodge. […]
Ainsi, Kampot est désormais accessible rapidement et économiquement de tous les points du Cambodge,de la Cochinchine et de Bangkok et dans des meilleures conditions que le Langbian. Kampot possède déjà un hôtel bungalow confortable pour les voyageurs. Il reste à assurer l’ascension des touristes jusqu’au plateau de Popokvil et l’installation d’un sanatorium comportant tout le confort moderne et qui sera réalisé probablement en 1920:
L’Administration a organisé tous ses chantiers de construction avec la main-d’œuvre pénale.
L’Administration du Cambodge s’est immédiatement préoccupée de ces réalisations et pour parer à l’inconvénient du manque de main-d’oeuvre elle, a organisé tous ses chantiers de construction avec la main-d’œuvre pénale.
Une route de 20 kilomètres en montagne escalade l’éperon du Phnom Rolnos en face de Kampot et atteint aujourd’hui le plateau à 1000 mètres d’altitude. La pente de 5% permet aux automobiles de faire cette ascension en une heure.
Dix-huit mois ont suffit à avaliser ce tour de force qui classe la route de Rolnos parmi les merveilles de l’Indochine.
V. Climat et Habitabilité du Plateau de Popokvil
Altitude.
— Le climat de Popokvil est un climat tempéré d’altitude, (900 m à 1.100 m.) encore adouci par le voisinage, immédiat de la mer et assaini par la constitution minéralogique du plateau, sa végétation et les brises marines. Ainsi, l’altitude, condition essentielle d’une température modérée sous ces latitudes est ici complétée par l’avantage de l’exposition marine et de la nature physique du sol.
Le climat idéal d’un sanatorium colonial
Température.
— Le climat idéal d’un sanatorium colonial devrait tout d’abord mettre les convalescents et les touristes à l’abri des désagréments de la chaleur et du froid.
Les observations minutieuses faites sur place depuis plus d’un an permettent de déterminer la température du plateau par des définitions simples :
1. — En n’importe quelle saison les inconvénients de la chaleur et du froid sont inconnus.
2.— A n’importe quel jour de l’année, on est assuré de trouver à Popokvil une température comprise la nuit entre 15 & 20° et le jour entre 20 et 25°.
3.— Quelques cas exceptionnels permettent d’enregistrer ces températures minima de 7° en Février et maxima de 31° en août.
4. — Les variations quotidiennes de températures extrêmes sont d’une dizaine de degrés seulement toute l’année.
Le nouveau sanatorium doit être classé au premier rang des stations d’altitude
Une douceur aussi constante dé température ne se retrouve nulle par en Indochine, ni même sur la Côté d’Azur. A ce titre, le nouveau sanatorium doit être classé au premier rang des stations d’altitude existant sous les tropiques.
La montagne de l’Éléphant est soumise comme le reste du Cambodge au régime des moussons qui divisent l’année en deux saisons : la saison pluvieuse de mai à novembre avec vent du Sud-Ouest, et la saison sèche de novembre à mai avec vent du Nord-Est.
En plus de ces saisons principales, le voisinage du golfe procure à ce littoral des pluies de saison sèche et des brises marines constantes qui tempèrent l’atmosphère et entretiennent une végétation plus luxuriante que dans l’intérieur du continent.
La chaîne côtière forme écran à la mousson pluvieuse qui déverse sur ses flancs une tranche annuelle de 3 à 4 mètres d’eau.
Les hauts plateaux abrités derrière les crêtes sont déjà moins copieusement arrosés. …]
Malgré l’abondance des pluies sur le versant maritime de la montagne, le plateau bien abrité n’a pas à souffrir de l’humidité grâce au rapide écoulement des eaux dans le sol perméable et à l’évaporation.
Les conditions d’habitabilité du plateau de Popokvil éprouvées par ses habitants européens et annamites malgré leurs installations précaires, sont des plus favorables.
Quoi qu’il en soit, l’eau potable recueillie dans les ruisseaux et les citernes naturelles de grès et de sable ne manque jamais et sa qualité a été reconnue excellente.
Habitabilité
— Les conditions d’habitabilité du plateau de Popokvil éprouvées par ses habitants européens et annamites malgré leurs installations précaires, sont des plus favorables.
Elles tiennent notamment à la douceur et aux faibles écarts de température, à la sécheresse de l’air et du sol, à la ventilation marine constante, à l’absence de moustiques et de fièvres, aux possibilités d’accès et facilité de ravitaillement.de cultures et d’élevage des zones tempérées.
Tous les Européens et indigènes qui ont visité et habité le plateau en vantent les qualités et les ressources qui en font un lieu d’habitat idéal.
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L’Éveil économique de l’Indochine
Dimanche 24 Novembre 1918, n°76
(Extrait d’une étude parue dans. l’Impartial du Cambodge).
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327716099