À quel moment le visiter ?
Mais parmi tous les sites enchanteurs ou grandioses de la Côte d’Opale nul doute que le touriste n’en vienne à apprécier plus que tous les autres centres d’excursions ce prodigieux Mont Bo’kor où s’harmonisent à merveille les paysages de la mer et ceux de la montagne, comme se marient dans son climat éternellement printanier les effets de l’altitude et les effluves marins.
La station d’altitude du Bo’kor vient d’être brillamment inaugurée le 14 février dernier [1925], par son créateur, M. Baudoin, Résident Supérieur au Cambodge, entouré de nombreux collaborateurs et admirateurs de son oeuvre digne d’éloges. Il nous paraît donc d’intéressante actualité de signaler, dans un bref exposé, les principaux attraits de ce site.
Un bel édifice à deux étages, d’une architecture robuste et soignée, le Palace-Hôtel, y dresse sa masse imposante agrémentée de terrasses et de pergolas du style italien
Le Mont Bo’kor, découvert en 1917 par une mission permanente chargée de faire des levers topographiques sur les hauteurs du Massif de l’Éléphant, au voisinage de Kampot, est aujourd’hui une Station Climatique d’altitude. Un bel édifice à deux étages, d’une architecture robuste et soignée, le Palace-Hôtel, y dresse sa masse imposante agrémentée de terrasses et de pergolas du style italien. Située à 1005 mètres a altitude au bord de la falaise qui domine à pic la côte maritime du Cambodge dite « Côte d’Opale». Jouissant d’un climat tempéré et d’une situation d’un pittoresque exceptionnel, la nouvelle station, bien qu’en pleine période d’organisation, et de fondation toute récente, a déjà conquis auprès du public une faveur des plus méritées.
Aux douceurs d’une température presque méditerranéenne, le Bo’kor joint les avantages conjugués de la mer et de la montagne voisinant côte à côte. L’une, par l’action stimulante de son humidité saline, l’autre, par la fraîcheur de l’air dénué de microbes, activent la régénération du sang, aident au retour des forces et de la santé et font du Bo’kor une station qui convient aux personnes débilitées par le séjour tropical. Les effets de cette double cure se font rapidement sentir par une augmentation de l’appétit, par une activité plus grande de la circulation. Les enfants plus particulièrement ressentent après quelques jours de station une transformation des plus sensibles au mieux de leur état général.
Toutefois, pour qu’un organisme affaibli ressente des effets durables, le séjour sur la montagne doit être au moins d’un mois. L’époque froide, du mois de novembre au mois d’avril, est à recommander. Durant celte période, le thermomètre varie entre 24° et 14° pour descendre parfois jusqu’à 12° et, exceptionnellement, au-dessous de 10°. L’humidité est nulle et Ie froid de cette à l’atmosphère sèche est à la fois agréable et des plus sains. Le Bo’kor étant soumis au régime des moussons, les autres mois ne sont pas à conseiller à cause de l’intensité des pluies, tout au moins pour les malades, car les touristes pourront profiter de quelques belles éclaircies et tenter dans la montagne d’intéressantes sorties.
Le Bo’kor, en effet, n’est pas seulement une station climatérique ; l’amateur de pittoresque peut y contempler d’admirables sites. Dès qu’on aborde la montagne par le versant maritime, la montée se déroule en bordure de précipices dans un cadre de forêts vierges de haute futaie.
Le site Albert Sarraut
Au site Albert Sarraut (KM 22) l’horizon s’élargit: succédant aux éclaircies intermittentes de l’ascension, un panorama de grand style s’offre aux yeux émerveillés du voyageur. Au bas de la falaise abrupte, le rivage apparaît dans un curieux raccourci, à droite vers la masse saillante du Bo’kor qui se profile en plein ciel, en face Phu-Quoc et d’autres îles comme autant d’émaux bigarrés sertis dans la mer ; sur la gauche, à perte de vue, les plaines du Cambodge et les premières marches de Cochinchine. Encore quelques kilomètres, les crêtes du Bo’kor apparaissent, puis c’est la station tout entière avec son Palace haut perché, son petit lac en miniature, sa vue immense sur le golfe du Siam.
Bella Vista
À peu de distance de la station c’est Bella-Vista, piton élevé de 1.000 mètres, véritable perchoir d’aigles, observatoire de premier ordre d’où l’on découvre à la fois le golfe du Siam et toutes les plaines du Cambodge.
Popokvil
En arrière des falaises, les grandes cascades de Popokvil s’annoncent au loin par un grondement significatif. D’une véritable cassure delà montagne, l’eau tombe successivement sur deux gradins de 14 et 18 mètres de profondeur pour aller se perdre dans un gouffre à travers un entassement de rochers, vénérable bouleversement géologique.
Val d’Émeraude
Ailleurs, dans un calme reposant, c’est la station agricole établie dans le Val d’Émeraude, petit vallon étroit couvert de pâturages au fond duquel roule un torrent. Des plantations sont disposées en gradins ; toutes les cultures maraîchères y sont représentées et donnent d’excellents résultats. Des arbres fruitiers y sont à l’essai et pour donner à toutes ces utilités encore plus de charme, les fleurs poussent à foison: touffes de violettes, œillets, roses trémières et roses de France.
Les autres sites du Bokor
Le site Robinson, celui des Cinq Jonques, la station d’élevage du site Albert-Sarraut, complément de la station agricole du Val, sont encore à signaler et l’on n’en finirait plus de mentionner tout ce qui est susceptible dans les environs du Bo’kor, de retenir l’attention du touriste.
Projets
Si, dans son état actuel, le Bo’kor jouit déjà d’une excellente réputation, la réalisation de certains projets en cours lui donnerait à n’en pas douter une place de premier choix parmi les stations d’Extrême-Orient. Il conviendrait d’abord d’établir à la station elle-même une série de terrasses, véritable corniche d’où les promeneurs pourraient contempler sans se lasser par temps clair et même à travers les nuages le merveilleux panorama du golfe de Siam. Enfin, le Bo’kor pourrait se doubler d’une, station balnéaire à condition d’être relié à la petite plage de Prek Kadat par un funiculaire permettant de se rendre en 45 minutes du sommet de la montagne à la mer et vice-versa.
Le Bo’kor considéré comme station climatique
Sa valeur
Voici à ce sujet ce qu’écrit un éminent praticien, M. le Docteur Valette, directeur du Service local de Santé (Echo du Cambodge, 4 avril 1925):
« Le Bo’kor classé comme station d’altitude moyenne, se trouve à 1.000m. au-dessus du niveau de la mer et est exposé de plein fouet aux vents saisonniers régnants, en été, la mousson de S. O., en hiver celle de N.E., c’est là une des causes de fraîcheur qui s’ajoute à celle de l’altitude.
« Station d’altitude moyenne, elle ne peut se comparer à Dalat qui, située à 1.500 m. est une station de haute altitude. Si elles ont entre elles certains points de comparaison, elles diffèrent complètement l’une de l’autre, elles ont leurs qualités propres et aussi leurs défauts propres.
«En quelque saison que ce soit, le voyageur qui monte au Bo’kor éprouve une sensation de bien être intense: la fatigue causée par la chaleur qui règne dans la plaine disparaît, la respiration est plus facile, les forces vitales semblent s’accroître. Plus d’essoufflement, plus de transpiration, une réaction salutaire se fait, et telle personne pour qui la marche en ville était une fatigue, se promené allègrement sur le plateau.
« Tel qui n’avait plus d’appétit se sent soudainement affamé. Celui qui ne dormait plus éprouve une sensation de délassement et retrouve le sommeil. Il y a des personnes qui ressentent un tel soulagement qu’elles passent leur temps à dormir et à manger. L’on peut dire que presque tous, au bout de quelques jours, retrouvent les forces perdues. De mes observations personnelles, j’ai pu constater les modifications suivantes dans l’organisme:
Action sur la circulation
« Au début, on observe, en général, une légère augmentation de la fréquence du pouls. Ce phénomène disparait au bout de quelques jours, et ne mérite pas d’attention spéciale. Ce qui manifeste avec évidence sous l’influence de l’altitude du Bo’kor, c’est une activité plus grande de la circulation, la peau et les muqueuses reçoivent plus de sang et le coeur se contracte avec plus d’énergie, d’où décongestion des organes et principalement du poumon. Les globules rouges augmentent et l’anémie disparaît petit à petit ainsi que j’ai pu le constater chez une malade, extrêmement anémiée et (pie je voulais faire partir pour France. Un mois de Bo’kor l’a remise en état».
Action sur la respiration
« Elle suit la marche de l’action sur la circulation. Au bout de quelques jours, l’on éprouve une extrême facilité à respirer, et cette action eupneïque se manifeste chez tous, et est la conséquence directe d’une ventilation plus active du poumon».
Action sur la nutrition
«L’action tonique du climat, l’abaissement de la température de l’air, l’activité de la circulation ont pour conséquence rapide une augmentation des échanges nutritifs. L’appétit augmente peu à peu et permet de réparer en peu de temps les pertes causées par l’anémie ou le paludisme».
Action sur le système nerveux
« C’est une action tonique qui se manifeste par le relèvement de l’état général. Les personnes qui souffraient d’insomnies dorment en général très bien, et je suis persuadé que ceux qui sont affligés de migraines, ceux dont l’intelligence est fatiguée par l’excès de travaux intellectuels doivent en retirer un grand bénéfice, qu’ils auront le calme de leurs nerfs et retrouveront le sommeil perdu».
Indications et contre indications d’un séjour au Bo’kor
« Le climat d’altitude moyenne convient au traitement de presque toutes les affections débilitantes, à condition que le coeur soit en bon état et capable de faire les frais de la diminution de pression atmosphérique. Les cardiaques et les fébrilitants ne doivent jamais monter dans l’altitude.
Telle personne dont le coeur peut supporter l’altitude du Bo’kor, sera obligée de redescendre à bref délai de Dalat, qui est à 500 mètres plus haut. J’ai vu le fait se produire dernièrement pour une habitante de Phnom-Penh».
Le Bo’kor et son climat
« Le climat du Bo’kor se classe parmi les climats d’altitude subtropicaux de Martone, c’est-à-dire qu’ils présentent une saison sèche et une saison des pluies, toutes les deux nettement tranchées. Toutefois, ils ont de commun avec les climats d’altitude tempérés une diminution notable de la température au fur et à mesure que l’on s’élève, une diminution de la pression atmosphérique et du degré hygrométrique de l’air suivant les saisons.
Température
« La loi de Loisil donne pour les climats tempérés une diminution de 1 degré centigrade par 180 mètres d’altitude. Des observations faites par MM. le Dr. Berret, médecin de Kampot et Jubin, chargé du Cadastre de la Station, il résulte que la diminution pour le Bo’kor est de 1 degré centigrade par 130 mètres — c’est-à-dire qu’il y a environ 8 degrés de différence avec la température du niveau de la mer. La température moyenne de Pnom-Penh étant 27°7, celle du Bo’kor ressort à 19°7, différence considérable. La plus forte température enregistrée a été de 22°7 en mai, et la plus basse de 14°6 en janvier pour Tannée 1924.
« L’écart journalier est peu sensible 8 à 9° entre le matin et le soir. Il n’y a pas comme à Dalat des sautes brusques allant jusqu’à 30 degrés qui sont néfastes pour le coeur et les poumons.
Pression atmosphérique
Varie entre 665 et 675.
Degré hygrométrique
« On a prétendu que le Bo’kor était très humide, sans se soucier de faire une distinction entre la saison des pluies et la saison sèche. Ces deux saisons sont à peu près égales, la première dure 6 mois et la deuxième 6 mois. Comme dans la plaine, la saison des pluies a un degré hygrométrique élevé, environ 92 de moyenne ; par contre, pendant les six mois d’hiver (saison sèche) du 1er novembre au 1er mai, le degré hygrométrique varie entre 57 1/2 et 73 1/2. C’est la saison propice pour aller au Bo’kor faire une cure de repos. En mars et avril, la chaleur très forte et insupportable à Pnom-Penh ne se fait nullement sentir au Bo’kor qui jouit à ce moment d’un climat très frais et sec.
Pluies
« Du 1er novembre au 1er mai, la hauteur d’eau tombée au Bo’kor est presque nulle. — Par contre du 1er mai au 1er novembre, la pluie tombe régulièrement tous les soirs, et de plus en plus fort pour atteindre, en général, un maximum en août. La hauteur moyenne exprimée en mètres est pour toute l’année d’environ 3m80. À Pnom-Penh, elle est de 3m07. La pluie est un désagrément, il est vrai, mais il y a des éclaircies et même si l’on monte en été, la température est toujours plus fraîche que dans la plaine où il pleut la même chose. Il y a environ 13 jours de grande pluie par an, 55 de petite pluie et 252 jours secs.
Nuages et brouillards
On incrimine le Bo’kor d’être souvent dans le brouillard, sans vouloir faire la distinction du brouillard sec et des nuages. Le brouillard sec dépend de circonstances locales, il provient de l’évaporation du sol de Bo’kor et des vallées; c’est en somme un amas de vapeurs légères entraînées le matin principalement, au lever du soleil, le long des flancs de la montagne et qui se dissipent très rapidement dès que l’atmosphère est échauffée par le soleil. Ils sont véritablement secs et ne mouillent le sol, ni les vêtements. Le brouillard de la 2e catégorie accompagne la pluie, c’est le nuage lui-même qui passe sur la montagne et comme tel il est saturé de vapeur d’eau. Il ne se rencontre qu’à la saison des pluies ou lorsqu’une pluie passagère, très rare pendant la saison sèche, vient à tomber. Il est franchement humide.
« Malgré tout ce que l’on ait pu dire du Bo’kor, la saison de novembre à mai y est vraiment délicieuse, et redonne la santé aux anémiés et aux fatigués.»
Culture maraîchères
Tous les légumes de France poussent au Val d’Émeraude où coule une rivière aux eaux vives: le Chos Prom. Le service de l’Agriculture y a installé une suite de jardins suspendus absolument merveilleux: potagers et fruitiers. Les fraises et les petits pois du Bo’kor sont réputés et tous les légumes sont donnés en cession à des prix défiant toute concurrence, aux deux hôtels et aux particuliers qui en font la demande. Une vacherie modèle a été installée au 22e km. (cote 979), par les soins du Service Vétérinaire et des vaches métisses indiennes y pâturent en liberté l’herbe de Guinée qui a été acclimatée en cet endroit. Elles peuvent fournir (une seule traite) environ 2 litres de lait par jour. Comme pour les légumes, des cessions sont faites aux particuliers.
Conclusions
Malgré certaines critiques qui ont été formulées et qui peuvent aussi bien l’être pour toutes les stations d’altitude subtropicales quelles qu’elles soient, le Bo’kor peut rendre de grands services aux gens fatigués.
Le meilleur moment pour s’y reposer va du 1er novembre au 15 mai, période de la saison sèche, où la pluie et les brouillards sont presqu’inconnus
Les mois de mars et d’avril sont, au Cambodge et en Cochinchine, les plus chauds de l’année, avec un potentiel électrique maximum, car les orages qui se forment n’éclatent pas, et mettent les nerfs des malades à une dure épreuve. Il est précieux d’avoir à portée de soi (180 km de Phnom-Penh) une station où la température soit fraîche, et dont l’altitude est sédative. Malgré toutes les imperfections que l’on peut lui reprocher, le Bo’kor est et restera un des grands progrès réalisés pour le bien-être des Européens vivant au Cambodge, progrès dus à la sollicitude d’un chef soucieux de la bonne santé de ses administrés.
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Phnom-Penh, le 30 mars 1925.
Le Directeur du Service de Santé du Cambodge,
Etn. VALLET.
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UN DES SITES DELICIEUX DE LA STATION CLIMATIQUE DU BO’KOR: POPOKVIL La première cascade de Popokvil dont les eaux merveilleusement fraîches, après un parcours souterrain, jaillissent au milieu d’immenses blocs de grès, est un des paysages les plus enchanteurs de la station climatique du Bo’kor. Ajoutons que cette chute de Popokvil (1000m d’altitude) est en même temps une véritable curiosité géologique, à cause de ses « marmites de géants», excavations profondes creusées çà et là, dans le lit de la rivière, par des masses de grès entraînées par les eaux. Photo M. D.
Laurent, graveur Photo M. D. Laurent, graveur La deuxième cascade de Popokvil au milieu des Fougères arborescentes.
Photo M. D. Laurent, graveur La deuxième cascade de Popokvil, vue du lit de la rivière. —
DEUX AUTRES ASPECTS DE LA RIVIÈRE DE POPOKVIL Avant la série de ses chutes, au milieu de gorges sauvages et de sites dignes des forêts vierges, la rivière de Popokvil est un joli ruisseau aux eaux paisibles que bordent de frais sous-bois à l’épais tapis de mousses et de fougères et que franchit un pont rustique. Les rives de Popokvil, avant la cascade, constituent pour le Bo’kor l’analogue des promenades du Camly à Dalat. Photo Af.D. Laurent, graveur
IV.
Agrément et confort
Le Bo’kor-Palace
À 1000 mètres d’altitude. Une terrasse en encorbellement surplombant à pic un abîme de verdure et, par-delà, les infinies perspectives du golfe de Siam: océan de forêts du massif de l’Éléphant déferlant en cascade vers un océan gris plombé, aux baies étrangement incurvées. Sur cette terrasse, le vert jeune des plates-bandes de gazon piquetées de palmiers contraste avec la sépia vive du Bienhoa, le tout dominé par l’orgueilleux Bo’kor-Palace dont le haut édifice à pergolas superposées dresse sa jeune splendeur en face de l’incomparable panorama.
De cette terrasse de l’Hôtel, on assiste à tous les effets prodigieux de la lumière sur l’horizon. Parfois, un nuage léger, une fumée, une poussière de nuage, s’accroche au flanc des forêts qui cascadent vers la mer. Mais il s’échancre et se dissipe bientôt, et c’est, alors la lumière extrême. À l’aube, mais surtout à l’heure crépusculaire, transformation magique des îlots du golfe. Les assistants émerveillés évoquent à propos de Phu-Quoc, violette sous le soleil mourant, le souvenir de «l’isola di Capri», dans ce panorama d’une douceur quasi-napolitaine.
Et, en vérité, lorsqu’on rentre à la nuit fraîche, dans le Palace, on se demande, sous le jaillissement de la lumière électrique, qui illumine l’Hôtel comme un château féerique en plein ciel, en quel pays l’on est transporté.
Ce chauffage électrique, cette installation moderne et luxueuse, n’est-ce pas celle des meilleurs hôtels d’Europe ?
Illusion agréable, encore confirmée par la succulence des repas où trouvent place les fraises parfumées et savoureuses, maints autres fruits de France et les légumes les plus jeunes, les plus frais et les plus fondants. Choses appréciables en vérité, et qui s’harmonisent fort bien avec la beauté des sites et la douceur méditerranéenne du climat.
—Bo’kor Palace: Un angle de la salle à manger Le Bo’kor
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VI.
La montée du Bo’kor
Entre Kampot et le Bo’kor, le paysage va changer encore une fois: après la traversée du pont de ciment armé, oeuvre des établissements Boy-Fermé de Saïgon, la roule s’engage à travers une plaine de rizières pendant quelques kilomètres, puis brusquement, s’ouvre une bifurcation à main droite et la montée du massif commence.
En effet, après deux kilomètres de montée en pente douce, la route s’incurve et commence la série de ses lacets pour l’ascension du massif de l’Éléphant. La forêt qui entoure la montagne et à travers laquelle passe la route est une merveilleuse sylve de hautes futaies où les voyageurs pourront contempler de magnifiques fougères arborescentes et les essences les plus belles de la forêt cambodgienne.
Pendant près d’une dizaine de kilomètres de montée, la route domine tout le pays de Kampot et les perspectives du Golfe du Siam et s’adosse de l’autre côté à des roches rougeâtres qui rappellent un peu les pierres dites de Bienhoà.
Le grès dont on trouvera des masses énormes et si bizarres dans toutes les promenades
Puis, assez rapidement, vers le km. 14, l’aspect des roches change et la végétation commence à se modifier. C’est le grès qui apparaît, le grès dont on trouvera des masses énormes et si bizarres dans toutes les promenades aux environs du Bo’kor. D’ailleurs, à partir d’alors, la montée devient quelque chose de prodigieux comme spectacle: un paysage incomparable s’étend devant les voyageurs étonnés, parmi les masses de verdure qui déferlent vers la plaine et vers la mer.
Au kilomètre 22 de la montée, on se trouve avoir fait, malgré qu’il reste à parcourir encore 10 km, la plus difficile partie de l’ascension. Ce km. 22 mérite d’ailleurs un arrêt, car le site Albert Sarraut qui se trouve en bordure de ce kilomètre 22, offre un paysage de grand style où le voyageur aura la première véritable impression des paysages du Bo’kor. Après le km 22, la route va monter plus droite et va diminuer le nombre de ses lacets. On constate alors que la flore a complètement changé et l’on s’étonne de trouver là un ensemble de sous-bois, une végétation qui rappelle étrangement celle des forêts de France: bois accueillants, avec des prairies et d’épais tapis de mousse, sources que l’on entend murmurer le long de la route, échappées à travers les bois de pins, vers les perspectives de la mer.
—Le plateau boisé du Bo’kor vu d’une des pergolas du Palace Bo’kor: Le lac (Réserve} La montée du Bo’kor au km 14
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Bientôt au km. 29, on laisse sur la droite la route de Popokvil que le voyageur retrouvera plus tard pour de belles excursions. Au km 30, on dépasse à gauche la route du Val d’Émeraude et on continue tout droit jusqu’au Bo’kor. Au km. 33, se dresse sur un plateau où l’air se fait plus vif où les arbres sort un peu moins hauts les premières habitations du centre du Bo’kor.
À main gauche, l’Hôtel Beau-Site avec ses chalets de bois, à droite, la villa de l’Évêché et la chapelle modeste qui lui est adjointe. Plus haut, sur la droite, le site François Baudouin qui domine la villa du Résident supérieur.
Sur la gauche, miroite le petit lac de la Réserve dans un vallon boisé et enfin à l’extrémité de la falaise et, comme au sommet de tout ce paysage du plateau, la stature imposante du Bo’kor-Palace devant lequel se termine la route.
—ROCHERS DU BOKOR Le Bo’kor abonde en curieux blocs de grès — masses parfois énormes, bizarrement découpées — qui donnent aux paysages du Massif de l’Éléphant une note pittoresque très originale. En voici un qui domine le Val d’Émeraude, près de la Station d’Agriculture. Photo M, D. Laurent, graveur Un autre rocher de grès proche du Val-d’Emeraude et que les pluies ont travaillé non plus en hauteur comme le précédent, mais en largeur, de façon à lui donner la forme d’un immense champignon. Photo M. D. Laurent graveur « Ploumana», curieux groupe de rochers a 200 mètres du Palace. Photo M. D. Laurent, graveur Voici deux des plus singuliers rochers du Bo’kor, tout près d’ailleurs du Mont Bo kot lui-même (1.067 m. d’altitude). En haut, à fauche, la a Tête d’Hindou», coiffée du turban, encore une singularité du travail des pluies et du temps et, à droite, un rocher en équilibre qui domine de son impressionnant promontoire un gouffre de plus de mille mètres de profondeur. Photo M. D. Laurent, graveur —
VII
Choses et aspects du pays de Bo’kor
Ainsi que nous l’avons dit, la végétation du Bo’kor rappelle étrangement, par ses tonalités et sa taille, celle du Midi de la France et, en particulier, des Alpes Maritimes.
Mais ce dont nous parlons ici, c’est bien entendu de la végétation du plateau lui-même, car les lianes du massif de l’Éléphant présentent plusieurs zones de végétation bien distinctes. De la cote 500 jusqu’à la nier s’étend une prodigieuse foret tropicale aux arbres énormes et assez analogues à ceux que l’on trouve dans la plupart des grandes forêts du sud Indochinois»
À partir de la cote 500, la végétation va se modifier et présenter un compromis assez curieux entre la végétation tropicale proprement dite et la végétation des pays tempérés. C’est ainsi que le pin commence à apparaître et, chose assez curieuse, voisine avec le bambou et les fougères arborescentes. Un peu plus haut, à partir du Km 22,
sur Je plateau lui-même par conséquent, c’est la végétation des pays tempérés qui l’emporte cl, à part quelques plantes tout à fait spéciales, l’on y voit un grand nombre d’arbres à feuilles caduques des régions tempérées.
Parmi les plantes spéciales, à noter les aréquiers sauvages ou, plus exactement « faux aréquiers noirs», plante grêle qui n’atteint pas tout à fait la taille d’un aréquier ordinaire, mais dont le feuillage rappelle tout à fait, à part le tronc qui est noir, l’aspect de la plante bien connue des plaines indochinoises.
Le « Nepenthès
Une autre plante très caractéristique du Bo’kor c’est le népenthès, dont un très grand nombre de variétés. C’est avec les Dionées et les Drosères, une des plantes carnivores les plus curieuses. La feuille verte d’un côté, rougeâtre de l’autre, chez certaines espèces se retourne à son extrémité en une sorte d’inflorescence très curieuse, sorte de grand cornet couvert par une opercule, cornet de teinte très différente de la feuille, d’un jaune verdâtre et bordé par un liseré de vif vermillon.
Dans cet énorme coi net (certaines plantes atteignent parfois plus d’un mètre et ont alors des cornets qui dépassent 25 centimètres de taille), un très grand nombre de petits insectes, attirés sans doute par les sucs de la plante, viennent se loger, ils missent sous l’opercule, entre-baillé, mais sont retenus aux parois internes par une sorte de suc visqueux. Aussi trouve-t-on toujours dans les cornets des nepenthès un certain nombre de petits moucherons. Les autres plantes carnivores citées plus haut, telles que.les Dionées et les Drosères, existent également au Bo’kor, un très grand nombre de ces dernières, surtout dans la région de Popokvil. Mais, incontestablement, c’est le nepenthès qui donne une note particulière de végétation au plateau du Bo’kor. 11 y vu a des champs entiers et dans les sous-bois, partout, on en trouve des quantités prodigieuses.
—Le « Nepenthès,», une des plantes les plus étranges dans le prodigieux monde végétal d’Extrême-Asie. Les bizarres fleurs à opercules soulevés que l’on voit ci-dessus et qui, en fait, ne sont point des fleurs, mais simplement une monstruosité, une déformation de la feuille, constituent des pièces pour les petits insectes qui entrent dans l’étui trompeur et visqueux et ne peuvent plus en sortir. Au reste, le «Nepenthès» de l’espèce photographiée ici est une fort belle plante, dont les terminaisons foliaires en forme de fleurs, sont d’un joli vert jaune tacheté de rose, avec l’opercule bordé de vif vermillon. Cette plante abonde au Bo’kor. —
Le «Sabot de Venus» (Cypripedium)
Insectes
Chose curieuse à noter, c’est l’absence presque complète de fourmis et d’insectes sur le plateau du Bo’kor. En tout cas, le voyageur habitué aux pays tropicaux, et que relient de s’allonger sur la mousse la peur des terribles fourmis rouges, pourra l’aire sans crainte la sieste sous bois au Bo’kor. Aucun insecte venimeux, aucune fourmi, seuls, quelques petits serpents, parmi lesquels, jusqu’à présent, on n’a point noté d’espèces venimeuses.
Comme insectes, seuls, des mouches et des abeilles, des papillons dont des représentants merveilleux comme couleurs. Point de sangsues, si ce n’est dans quelques dépressions humides du plateau, en saison des pluies.
Pour en revenir à la végétation du Bo’kor, les conifères, parmi lesquels le pin représente un des éléments les plus importants. Les botanistes pourront faire à ce sujet mainte remarque intéressante. C’est ainsi que pour ce qui est de l’espèce de pin la plus fréquente au Bo’kor, ils remarqueront, comme d’ailleurs les non botanistes, tant la chose est frappante, une particularité de feuillage de cet arbre. Sur un très grand nombre d’espèces, il existe deuxsortes d’aiguilles très différentes. On dirait que le même arbre produit deux sortes de feuilles.
—Bokor: Entassement de blocs rocheux (lit de la rivière de Popokvil) —
Une des multiples espèces d’orchidées du Bo’kor
À terre, beaucoup de gazon, des fougères comme celles de France, de la bruyère, le sol étant sablonneux.
Très peu de bambous, seuls, quelques rotins épineux rappellent la végétation tropicale, entr’autres une sorte d’arbuste à feuilles épineuses, en forme de sabre, appelé par les Cambodgiens «romthiek».
Très peu de hautes futaies:les arbres du plateau, bien qu’ils donnent une ombre suffisante aux sentiers et fournissent une ombre fraîche, même aux heures les plus tièdes du jour, n’ont point la taille prodigieuse des arbres de la plaine chaude. Beaucoup de mousses, très belles, et des orchidées dont le nombre et la richesse extraordinaire ne seront pas un moindre charme du paysage, de surtout vers les mois de mars et d’avril, époque de leur floraison. On découvre alors sur les troncs d’arbres, sur les mousses, un peu partout, de merveilleux exemplaires d’orchidées et, en particulier, cette Heur absolument délicieuse: le «Sabot de Vénus» plante si appréciée en France, mais qui est, là-bas, d’un luxe si coûteux.
Animaux sauvages
Comme animaux sauvages, il n’y a pas à redouter de tigre. L’on n’en rencontre plus sur le plateau. Il ne saurait guère en venir qu’à la saison des pluies, lorsque les chevreuils et autres gibiers habituels se réfugient sur le plateau.
On peut donc sortir sans arme; toutefois, il importe de faire remarquer que dans les régions qui entourent Popokvil, et en particulier, dans les endroits non frayés des promeneurs, on peut rencontrer parfois des troupeaux d’éléphants sauvages. Les chevreuils et les cerfs sont assez abondants ; une certaine espèce de gibbon se rencontre en quantité, surtout dans les vallonnements et vers les falaises qui dominent le golfe et où l’on entend leur cri monter de la vallée.
Peu d’oiseaux, sinon quelques aigles et autres oiseaux d’altitude. Dans les sous-bois, on entend Très souvent une sorte de chant qui semble un cri d’oiseau, mais qui est, en réalité, le cri à plusieurs notes et très curieux d’une très jolie espèce d’écureuil rouge.
—Bo’kor: Postes, télégraphes, téléphone. Le Bo’kor
La suite: Excursions au Bo’kor