Album photo du voyage du Gouverneur général de l’Indochine à Phnom Penh et à Bokor en novembre 1925
La Bibliothèque nationale du Cambodge (BNC) possède un album unique : il s’agit d’un recueil de photographies comme on aimait le faire au siècle dernier et qui date de près quatre-vingts dix ans. Il relate, tel le voyage de M. Perrichon, la visite officielle au Cambodge, les 22-25 novembre 1925, d’un « gougal », d’un gouverneur général ainsi que l’on disait à l’époque. On ne faisait pas alors de reportage filmé en vidéo et c’est tout ce qui nous reste d’un événement somme toute mineur mais qui, du point de vue de l’image, est révélateur.
Le recueil comporte 44 photographies en plus ou moins bon état, mais toutes parfaitement « lisibles ». Le parcours du gouverneur général au Pays khmer est ponctué de la manière suivante : arrivée de la canonnière « l’Inconstant » (en provenance de Saïgon, certainement), accueil par le Résident-Maire de Phnom Penh, un certain M. Patry, visite de la Compagnie générale des soies de France et d’Indochine, inauguration de la clinique ophtalmologique, pose de la première pierre de l’hôpital ophtalmologique, visite du musée Albert-Sarraut (l’actuel Musée National), de l’Ecole des Arts cambodgiens, concours d’enfants indigènes (le plus beau bébé), pèlerinage au monument aux morts de la Grande guerre, gala de danses cambodgiennes par les « balerines » (sic) de Sa Majesté (ce type de programme pourrait être encore organisé ainsi pour un ministre en exercice !).

Sure le perron du Bokor-Palace
Le menu des réjouissances se termine par une visite du mont Bokor : villa du Résident Supérieur du Cambodge et « Bokor Palace », tout juste inauguré quelques mois auparavant par les autorités françaises du Cambodge.
Le gougal arbore une longue barbe noire bien fournie à la manière de la IIIe république et se promène en frac ou en habit blanc colonial selon les circonstances. Il a l’air martial et important et est toujours entouré d’une foule de personnages, dont des femmes européennes. D’ailleurs, il a été accueilli dès son arrivée, alors qu’il était encore sur le pont de l’Inconstant, par une « délégation de Dames françaises ». On sent que la communauté expatriée tient là l’événement de l’année.
Cet Alexandre Varenne (1870-1947) n’est pas n’importe qui. C’est un ancien député socialiste SFIO, adepte des idées de Jean Jaurès, devenu gouverneur général de l’Indochine (1925-1927) en dépit de son parti d’origine, plutôt anticolonialiste. Sa politique en faveur des « indigènes », justement montrée ici (construction d’écoles, vaccination, accès aux emplois, inspection du travail) contraria les colons qui finirent par obtenir son départ.
Est-ce que cela explique l’absence du Résident supérieur du Cambodge, François Marius Baudouin, sur les photos ? On n’y voit que sa femme, présidente de l’Association maternelle et infantile du Cambodge. Toujours est-il que le parcours ultérieur de cet homme politique, très critique envers le régime de Vichy, donne un relief particulier et peu banal à cet album de photos de famille.
source: www.livres-cambodge.com