Observations, pièces et notes documentaires fournies par G. Jubin, Géomètre vérificateur
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Introduction & chapitre I.
Visites à Popok-vil
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Chapitre II.
Généralités sur la montagne (PDF)
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Chapitre III.
Le plateau et son climat (PDF)
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Chapitre IV.
Projet de sanatorium (PDF)
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Appendice.
Commission du 2 juillet 1919
sur les travaux à mener
Vous êtes «faibles de poitrine», « de constitution un peu débile » ?
vous souffrez « d’affections endémiques rebelles » ? vous êtes « neurasthéniques », « anémiques», « convalescents» ? la «station climatérique d’altitude maritime» du Mont « Bockor » est faite pour vous ! C’est du moins ce que conseille en 1919 le docteur Berret, médecin de l’Assistance médicale à Kampot, dans cette brochure vantant tous les avantages qu’il y aurait à construire un sanatorium sur le plateau du Popok-Vil, «cette surface plane de plusieurs kilomètres carrés qui s’étend au-dessus du massif de l’Eléphant».
Les atouts du lieu? Sa température (20° en moyenne toute l’année), ses précipitations limitées, sa brise rafraîchissante, l’absence de moustiques, sa végétation de type tempéré. Toutes les conditions sont donc réunies pour que, poursuit le docteur quelque peu flagorneur (mais sûrement directement intéressé), « l’Administration du Protectorat, toujours soucieuse de la santé de ses fonctionnaires et du bien public », tire le meilleur parti de cette situation exceptionnelle et crée une station sanitaire sur les belles terrasses déjà aménagées qui dominent la mer à plus de 1.000 mètres d’altitude. Il s’agit en effet de construire des pavillons de luxe et un hôtel-bungalow confortablement aménagé pour le séjour ne montagne. Cela pourrait bénéficier aux fonctionnaires et aux malades de toute la péninsule: «Les Français d’Indochine trouveraient ainsi des conditions d’existence favorables à leur moral et à leur santé, leur rappelant un peu celles de la mère patrie».
La Commission administrative, qui se réunit le 2 juin 1919 à Kampot, décide donc de faire édifier un bungalow (hôtel subventionné par l’administration) ; les villas dites « du Protectorat » et de la Résidence de Kampot (ces hauts fonctionnaires français ne s’oubliaient pas au passage) ; deux chalets pour familles nombreuses ; des bâtiments administratifs (on prévoit même une prison) ; un village «indigène» avec son marché «qui formeront un quartier à part suffisamment éloigné pour ne pas gêner le centre européen» ; des terrains à lotir et à bâtir.
A propos, pourquoi la prison ? Le bon docteur ne le dit pas, mais c’est parce que la construction des édifices somptueux et de la route d’accès de 30 km requit le travail forcé de «huit cents prisonniers renouvelés, raflés dans toutes les prisons du Cambodge» selon un autre auteur, Roland Meyer dans Komlah (1930), qui conclut : «combien d’indigènes avaient payé ce succès de leur vie» !
En février 1925 sera inauguré le «Bockor-Palace» par le Résident Supérieur du Cambodge Baudoin, dont la «vision sûre et un jugement averti des possibilités fécondes de l’avenir» a permis, déclare Berret jamais en reste de flatteries, de «reconnaître et ouvrir au public cet incomparable pays». En novembre de la même année, c’est le Gouverneur général de l’Indochine en personne, Alexandre Varenne, qui se déplace et lance la mode du Bokor.
Le roi Monivong y fera bâtir sa résidence et les gens riches y viendront passer leurs vacances à la saison chaude. Sihanouk rénovera le casino dans les années soixante. Puis viendra la guerre, la période Khmers Rouges et le magnifique palace ne sera plus que ruines. A lui seul, il résume l’histoire récente du Cambodge ; sa fière allure, ses murs toujours debout, les récents projets immobiliers laissent espérer que l’histoire du Mont Bokor n’est pas terminée.